Au fil des rééditions, Hergé a dû gommer de ses albums ce qui aurait pu lui valoir les foudres des anti-racistes.
S'il est un classique qui a éprouvé de longue date les foudres du politiquement correct, c'est bien Hergé. Son oeuvre ayant régulièrement été taxée de colonialiste, raciste et misogyne, il s'était résolu dès l'après-guerre à la modifier dans les rééditions de ses albums. Non par conviction, mais en raison des pressions de son éditeur, lui-même soumis à celles des associations ad hoc (en deux mots). Pour lui, la cause était entendue : il s'agissait de "Noirs de fantaisie", caricaturaux comme tous les personnages de son oeuvre. L'examen de sa correspondance avec Casterman est à cet égard édifiant.
La refonte de ses albums avait commencé pendant l'Occupation, mais pour des raisons purement techniques (de mise au format, notamment). Après la guerre, il s'agira aussi de rectifier le tir. Techniquement, mais aussi moralement et politiquement. Très tôt soucieux de faire accéder son héros à l'universel, Hergé l'avait rendu de moins en moins belge et catholique, de plus en plus européen et laïc. En 1946, Casterman lui avait forcé la main pour "blanchir" une mère et son bébé, le portier d'un hôtel ainsi qu'un gangster, tous noirs de peau, dans Tintin en Amérique. A la demande de Simon & Schuster, il en fait autant dans Le Crabe aux pinces d'or, tout en se défendant de blanchir les personnages, ainsi qu'il s'en expliqua dans une lettre : "Ils sont, dirais-je, de race indéterminée. On voit qu'ils ne sont pas de "chez nous", mais quant à savoir d'où ils sont, mystère... Le souhait de l'éditeur américain était : pas de Noirs. Et pas plus de bons Noirs que de mauvais Noirs. Car les Noirs ne sont ni bons ni mauvais : ils n'existent pas (comme chacun le sait aux USA)..." Le matelot noir du Karaboudjan ne l'étant plus, les insultes durent s'adapter et passer de "Moricaud ! Anthracite !" à "Emplâtre ! Doryphore !". Sauf que ces aménagements à l'intention du public américain s'étendirent à toutes les éditions. L'Etoile mystérieuse reflétant un peu trop l'air du temps de sa création (1941), le quartier général des "méchants" se déplaça après la guerre de New York à Sao Rico, capitale d'un Etat imaginaire ; leur chef, le banquier Blumenstein, fut rebaptisé de manière plus anodine Bohlwinkel, et la courbe de son nez rectifiée...
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bien
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