Monday, July 20, 2020

Papapa, schlass, schmoutz... en Alsace, sur la route des mots bien de chez nous - Le Parisien

sumibar.blogspot.com

Les Alsaciens n'ont pas seulement inventé des noms de villages imprononçables comme Niederschaeffolsheim, Vœgtlinshoffen, Breuschwickersheim… à déboîter la mâchoire des « Français de l'intérieur », comme on surnomme dans cette partie du Grand-Est tous ceux qui ne sont pas des « locaux ». Au pays de la flammekueche (tarte flambée) et du gewurztraminer (cépage de vin blanc typiquement alsacien), là où le « ui » triomphe du « oui » et le t de vingt s'exfiltre de toutes les bouches, ils servent aussi sans modération aux touristes découvrant la Route des vins de truculentes spécialités linguistiques. Un lexique propre au Haut-Rhin et Bas-Rhin employé nulle part ailleurs. Enfin, c'est ce qu'ils croient.

« Parce que les mots et expressions ne connaissent pas toujours les limites des régions. Parfois, certains sont aussi utilisés en Franche-Comté, Lorraine, Suisse ou Belgique », décrypte le linguiste Pierre Rézeau, qui a écrit « l'Alsace au fil des mots » (Ed. Vent d'Est). Ce qui est sûr, selon cet ancien directeur de recherche au CNRS, c'est que ces quelques centaines de pépites nourrissent « un patrimoine bien vivant, suscitant de la fierté méritée ».

« Ça fait partie de l'identité alsacienne, comme la choucroute par exemple. Mais c'est surtout l'accent, très chantant et montant dans les fins de phrases qui fait qu'on voie qu'on est alsacien! » sourit le Mulhousien David Ployer, alias Sepi, chanteur, humoriste et co-auteur du livre « les Expressions alsaciennes illustrées » (Plum'editions).

Traduire littéralement un mot allemand en français

Pléthore de régionalismes entrés dans le langage courant des gens du 67 et du 68 sont fournis par les dialectes alsaciens à l'instar de « schmoutz » (bisou), « salü bisàmme » (salut à tous) ou « winstub » (petit resto traditionnel). Pour embrouiller un peu plus le « Français de l'intérieur », la subtilité verbale peut différer d'un coin de l'« Elsàss » à l'autre. Ainsi, effronté ou insolent se dit plutôt « frech » à Strasbourg et « frach » à Mulhouse.

Autre source d'inspiration : le phénomène de calque qui consiste à traduire littéralement un mot allemand en français. Dans la langue de Goethe, « il y a un courant d'air » se traduit par « es zieht », du verbe « ziehen » (tirer). Alors quand un vent frisquet s'invite entre deux portes à Kaysersberg ou Riquewihr, on dit que « ça tire ! »

Le tic de langage « comme dit » utilisé en début ou fin de conversation est similaire au « wie gesagt ». En Alsace, on peut encore entendre « attendre sur le bus » au lieu d'attendre le bus, conformément à la retranscription mot à mot d'attendre en allemand « warten auf » doté donc de la préposition « auf » signifiant « sur ».

« Tout ce qui est calque grammatical, avec préposition mal choisie, a tendance à disparaître. Comme c'est perçu comme fautif par les autres locuteurs, c'est déclassant pour ceux qui les utilisent. Ils vont alors chercher à gommer ce marqueur », souligne le dialectologue Dominique Huck, qui a rédigé « Une histoire des langues de l'Alsace » (Ed. la Nuée bleue). Le français et l'allemand peuvent aussi faire très bon ménage dans certaines expressions à l'image de « ça geht's » (ça va ?) ou « manger un stück » (manger un morceau).

« Oyééé », « yoooo » et autres onomatopées typiques

Au rayon des onomatopées aux origines mystérieuses, les Alsaciens ont sacrément leurs mots à dire. « Yeuuuh » exprime le ravissement devant quelque chose de mignon, « oyééé » l'étonnement, la joie mais aussi la lamentation et « yoooo » la surprise, l'acquiescement ou, si le ton est blasé, le soupir.

Mais l'interjection la plus emblématique, c'est « hopla ! » comprenez « c'est parti ! » ou « allez, zou ! » « Mais on dit aussi Hopla, ça fait plaisir ! C'est un mot passe-partout qu'on emploie à tort et à travers », s'amuse l'expert Sepi, dont les drôles de sketchs sur YouTube et Facebook collectionnent les centaines de milliers de vues.

Enfin, certaines particularités régionales, très courantes le long du Rhin, ont toutes les apparences du français dit standard. Parmi elles, « la finette » synonyme de débardeur. Ou « le chinois », cette brioche fourrée de crème pâtissière dont il subsiste un doute sur l'étymologie. Les pistes avancées sont multiples. Il y a fort longtemps, l'un des importateurs de « la France d'intérieur » de ce gâteau baptisé au départ « schneckekueche » en alsacien (ou « Schneckenkuchen » en allemand) se serait exclamé devant la difficulté à le prononcer : « C'est du chinois ! » Mais pour le lexicographe Pierre Rézeau, l'appellation viendrait plutôt de la recette de la fin du XIXe siècle qui contenait des chinois, ces petites oranges amères et confites servant à la décoration de la viennoiserie.

Lexique

  • Avoir du speck : avoir du ventre, des poignées d’amour
  • Bleuter : faire l’école buissonnière
  • Décaler à la fecht : aller à la fête
  • Foehn : sèche-cheveux
  • Ils veulent du soleil : la météo annonce du beau temps
  • Kopfertami ! : bordel de… !
  • Manteau de pluie : imperméable
  • Papapa, mamama : grand-père, grand-mère
  • Ratcher : papoter, commérer
  • Schlass : mou, fatigué
  • Schlopp, schloppa : pantoufles
  • Schlouck de schnaps : gorgée d’eau-de-vie
  • Spritzer : gicler
  • Tirette : braguette
Les mots bien de chez nous en 6 épisodes

1. L’Alsace

2. Le Pays de Savoie

3. La Provence

4. Le Sud-Ouest

5. La Bretagne

6. Paris




July 20, 2020 at 01:21PM
https://ift.tt/2OGc4Gu

Papapa, schlass, schmoutz... en Alsace, sur la route des mots bien de chez nous - Le Parisien

https://ift.tt/2CyaBz3
bien
Share:

0 Comments:

Post a Comment