Sunday, August 2, 2020

Intersignes : de bien funestes présages - Série La Bretagne des maléfices - Le Télégramme

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En Bretagne, les signes annonciateurs de la mort sont fréquents. De nombreux contes et légendes racontent, aujourd’hui comme hier, les circonstances de ces funestes présages.

Vous êtes pris d’un frisson soudain ? C’est peut-être le fameux frisson de l’Ankou : la mort est venue vous frôler, sans pour autant vous emporter. Une expression rapportée par François Cadic, un collecteur morbihannais de la fin du XIXe siècle, dit d’ailleurs : « Hirisien e hran, éma en Ankeu arnan », « Je frissonne, l’Ankou est sur moi ». Non contents de côtoyer l’Ankou dans leur vie quotidienne, les Bretons ont aussi peuplé leur imaginaire d’histoires qui indiquent des signes annonciateurs de la mort. Il s’agit parfois d’un nez qui saigne ou de rêves prémonitoires. Dans une histoire recueillie à la fin du XIXe siècle, on raconte qu’à Plougastel-Daoulas, une personne entendit des sanglots sur le chemin. Elle ne vit personne. Elle se moucha et trois gouttes de sang coulèrent de son nez. Quand elle arriva à la maison, elle apprit que le bateau de son beau-frère avait coulé corps et biens.


L’entourage prévenu

Le futur défunt, quant à lui, est rarement prévenu directement. Ce sont plutôt les gens de son entourage qui perçoivent ces funestes présages. C’est le cas de « l’intersigne des épingles », où une jeune femme d’Yvias se prépare pour aller à la messe un dimanche de Pâques. Mais les épingles destinées à fixer sa coiffe tombent les unes après les autres et elle ne parvient pas à arriver à temps à l’église. Le lendemain, elle apprend que son fiancé a péri en mer ce matin-là.

Dans « L’intersigne de l’image dans l’eau », une histoire collectée par Anatole Le Braz à Quimper en 1888, Naig, une fruitière ambulante, confie ce qui lui était arrivé à l’adolescence : « J’étais bien jeune à l’époque, on m’avait envoyée paître le troupeau dans les prairies le long du Steir. Pendant que mes bêtes broutaient, je m’étais assise au bord de la rivière. Soudain, je tressaillis : dans l’eau claire et limpide, je vis se dessiner la figure et tout le haut du corps de mon maître. Il avait la mine sombre ». Croyant qu’il va la gronder car elle est en train de flâner, la jeune fille n’ose détourner la tête. Finalement, elle prend son courage à deux mains et se relève d’un bond. Personne. Le soir en rentrant, elle croise son maître. Elle lui reparle de leur rencontre de l’après-midi. « Qu’est-ce que tu racontes ? fait-il. Je ne suis pas allé du côté des prés. C’était aujourd’hui la foire de Saint-Tremeur et j’en arrive. » La petite bafouille et s’éloigne, bien tourmentée. Le lendemain matin, avant le chant du coq, elle apprend que son maître vient de trépasser.


Les bêtes, les sons, l’eau

Souvent, ce sont aussi les animaux qui préviennent les hommes. Des oiseaux, comme la chouette effraie, qui arpente le chemin que prendra un mourant, ou la pie penchée sur un toit, peuvent être de bien mauvaise augure. « Partez-vous en voyage si vous rencontrez une pie seule, rebroussez chemin car il vous arriverait malheur ! » Idem pour le corbeau ou le coq : si celui-ci chante avant minuit pendant l’Avent, le malheur ou la mort attend les hommes. Les chiens sont également de fréquents messagers de la mort qui rôde. « Toutes les fois qu’il y avait un mort, avant même le décès, le chien se rendait à la maison où il devait y avoir un décès et il allait directement au cimetière en hurlant », a rapporté un témoin de Saint-Rivoal (29) au chercheur Daniel Giraudon. Les abeilles, elles aussi, sont informées d’événements funestes. Dans Le Trégor, il se dit qu’elles portent le deuil de leur maître pendant six mois en ne bourdonnant plus.

Les intersignes peuvent aussi se manifester par des bruits nocturnes, des coups sourds, des soupirs étouffés. Il arrive aussi que des lumières ou des cierges errants apparaissent soudainement dans la campagne ou même aux abords des maisons. L’eau est également omniprésente dans les intersignes : à Plougastel, une femme dont le mari est matelot, entend un soir un bruit de vagues près de sa maison, située en pleine campagne. Elle ouvre la porte et découvre de l’eau au beau milieu de la cour. C’était un intersigne : le lendemain matin au lever du jour, elle apprend que son mari s’est noyé cette nuit-là.

Pour les plus inquiets, une solution existe toutefois : celui qui veut connaître le temps qui lui reste à vivre se rend le 1er mai à minuit à Feunteun an Ankou à Plouégat-Guérand.


Pour en savoir plus


« Sur les chemins de l’Ankou », de Daniel Giraudon, Yoran Embanner, 2012.« Nouveaux contes et légendes de Bretagne » de François Cadic, Paris 1922.« La légende de la mort en Basse-Bretagne » d’Anatole Le Braz, 1893.



August 02, 2020 at 12:00PM
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