Les questions liées au bien-être animal apparaissent de plus en plus dans l’agenda politique. Alors que près de 600 000 Français ont signé une pétition demandant la mise en place d’un référendum d'initiative partagée (RIP) sur les animaux, le nouveau ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a présenté la modernisation des abattoirs comme une des mesures du plan de relance dévoilé le 3 septembre.
Même si la question des abattoirs n'est pas au menu du RIP, la majorité des propositions concernent toutefois les élevages. L’initiative propose notamment l’interdiction de l’élevage des animaux de rente en cage, case, stalle ou box à partir de 2025. Les animaux de rente incluent entre autres les poules pondeuses, les lapins, les oies, les canards, les dindes, les truies, les porcs, les veaux ou encore les cailles. Le RIP souhaite aussi interdire à partir de 2025 la commercialisation des fourrures et l’élevage des animaux dans le but d’obtenir de la fourrure (voir encadré en fin d'article).
La France en retard sur ses concurrents européens
Des demandes qui, selon les organisations qui réclament le référendum, s’expliquent par la situation du bien-être animal dans l’Hexagone. “La France est globalement en retard par rapport aux autres pays européens”, analyse Lorène Jacquet, responsable du projet pour Welfarm, une ONG de protection des animaux de ferme qui a pris part au RIP.
Selon les chiffres de l'ONG CIWF, la France compte actuellement 85 millions d’animaux en cage, notamment des poules, des cailles, des lapins, des truies. Au total, moins de 20 % des animaux sont élevés hors cage contre plus de 95 % dans des pays comme l’Autriche ou le Luxembourg. “Il y a un certain nombre de pays (l’Autriche pour les poules en cages, les pays du Nord pour les porcs) qui ont entamé des démarches parce qu’elles sont demandées par une partie croissante des citoyens. Cela n’a pas détruit leur secteur. Cela a permis de répondre à une demande bien existante”, affirme Dimitri Nguyen, assistant de direction à l’OABA (Oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs).
Une différence de coût de production "moins grande que ce que l'on ne croit"
Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour la Fondation Bardot et publié le 19 août, 91 % des sondés sont favorables à l’obligation d’offrir un accès extérieur aux animaux ; 86 % adhèrent au principe d’étourdir les bêtes destinées à l’abattage.
Reste à savoir le prix que les consommateurs sont prêts à mettre pour bénéficier de ces produits estampillés “bien-être animal”. Selon une étude réalisée par le CIWF en 2011, les œufs cultivés en plein air ont un coût supplémentaire de 2,30 centimes par rapport aux œufs issus de poules élevées en cage. “L’étude n’a pas été renouvelée, mais les ordres de grandeur restent les mêmes. Au coût de production, certes il y a une différence, mais elle est souvent moins grande qu’on ne le croit”, détaille Léopoldine Charbonneaux, directrice de CIWF France.
Chez les éleveurs de porcs, apporter de la paille et de l’espace supplémentaires aux animaux représente un coût de 5,80 centimes de plus. “La question de la valorisation des animaux élevés en respect du bien-être animal est capitale”, concède Louis Schweitzer, ancien PDG de Renault et président de la Fondation droit animal (LFDA).
La question du coût, principal frein chez les éleveurs
La question du coût est d’ailleurs, pour 54 % des éleveurs, le principal frein à la mise en place de mesures de bien-être animal, selon une enquête réalisée par l’Ipsos pour Agriavis en 2019. Plus de 67 % des agriculteurs interrogés estiment pourtant que le bien-être animal pourrait être un argument commercial pour vendre leur produit.
C’est ce qu'ont compris les éleveurs qui ont rejoint le projet d’étiquetage “bien-être animal” lancé fin 2018 par le distributeur Casino et plusieurs associations du secteur, dont CIWF France. Pour l'instant, l'étiquette ne s'applique qu'aux poulets en classant les animaux selon leur mode d’élevage. Elle couvre à peu près 10 % de la production de poulets de chair en France. “Le chiffre est en augmentation, certains ont rejoint la démarche sans encore étiqueter. Le but, à terme, est d’étiqueter tous les poulets et ensuite de se développer sur d’autres espèces. Nous travaillons actuellement sur la viande de porc. Les discussions sont en cours sur les critères à retenir et cela prend du temps”, précise Léopoldine Charbonneaux.
Éviter les investissements vains
Problème, selon la FNSEA, cette étiquette n’est pas associé à un sur-prix pour les producteurs. “À l’heure actuelle, la démarche welfariste fonctionne en silo, sans prendre en compte la réalité économique des éleveurs. Pour accompagner les éleveurs, il faut imposer des conditions de valorisations particulières”, commente Étienne Gangneron, responsable de la question au sein du syndicat majoritaire.
Pour la FNSEA, il est également important de rassurer les éleveurs quant à la pérennité des mesures adoptées pour éviter des investissements vains. Un commentaire qui fait référence à l’exigence, imposée en 2012 aux éleveurs, d’investir dans des cages plus grandes. Difficile dès lors de leur demander de supprimer ces cages alors qu'ils n'ont pas encore fini de rembourser. “Tout nouvel investissement doit être cohérent avec les critères de bien-être animal les plus sévères”, confirme Louis Schweitzer.
La demande s’adresse à la fois aux distributeurs mais également au nouveau ministre de l’Agriculture. Ce dernier mène actuellement les discussions de la PAC 2023 dont les fonds pourraient être affectées à la modernisation des infrastructures d'élevage.
Chez LVMH, certifier la fourrure plutôt qu’interdire
Avec ses 600 000 soutiens, le projet de RIP sur les animaux propose notamment d’interdire la commercialisation des fourrures en France à partir de 2025. Dans le secteur du luxe, ce sujet sensible divise les entreprises. Certaines maisons prestigieuses ont déjà renoncé à cette matière : Chanel, Jean-Paul Gaultier ou encore The Kooples. LVMH pense différemment. “Notre choix a plutôt été de laisser la liberté aux maisons pour répondre à la demande de leurs clients. En revanche, l’exigence sur le respect des bonnes pratiques est non négociable”, affirme Hélène Valade, directrice Développement Environnement du groupe. Dans un secteur qui vise l’excellence, la prise en compte du bien-être animal reste une nécessité. LVMH se veut proactif en adhérant à de multiples standards et en visant une traçabilité totale sur sa chaîne d’approvisionnement. D’ici à 2025, LVMH espère que 100 % de ses fourrures seront certifiées contre 43 % en 2019. “Nous suivons surtout les logiques d’opinion qu’il y a derrière. Ce que les gens attendent, c’est cela qui nous intéresse énormément”, commente Hélène Valade au sujet du référendum pour les animaux. Entre les partenariats et les programmes de certifications, LVMH estime ses investissements dans le bien-être animal à plusieurs dizaines de millions d’euros. Cela passe aussi par l’internalisation de certaines activités comme le sourcing des peaux de crocodile. “L’idée est d’être producteur en propre et d’avoir des liens avec d’autres fermes extrêmement contrôlées”, décrit Hélène Valade.
(Un élevage de vigognes au Pérou fournissant la marque Loro Piana du groupe LVMH. Crédit : LVMH)
September 07, 2020 at 02:00PM
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Le bien-être animal, à quel prix ? - L'Usine Agro - L'Usine Nouvelle
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bien
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