Friday, September 4, 2020

Pour la justice des Pays-Bas, Geert Wilders a bel et bien insulté les Marocains, mais sans inciter à la haine - Le Monde

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Le député néerlendais d’extrême droite, Geert Wilders (à droite), lors de la dernière journée de son procès en appel, à Schipol, vendredi 4 septembre.

Il aura fallu plus de six ans pour connaître l’épilogue de l’affaire et Geert Wilders, le dirigeant du Parti pour la liberté (PVV), formation d’extrême droite néerlandaise, n’a pas été reconnu coupable d’incitation à la haine et à la discrimination, en dépit des poursuites en ce sens. Il a, en revanche, insulté collectivement un groupe minoritaire, a estimé la cour d’appel de La Haye, vendredi 4 septembre.

En 2014, lors de la campagne pour les élections municipales, le député xénophobe avait harangué le public en lui demandant s’il voulait « plus ou moins de Marocains dans cette ville et aux Pays-Bas ». Le public avait répondu : « Moins ! », formule répétée à seize reprises. Lors d’une autre réunion électorale, M. Wilders promettait une ville « avec moins de charges et si possible avec aussi moins de Marocains ».

En agissant ainsi, l’élu a insulté sans motivation et sans nuance un groupe minoritaire, a estimé la cour d’appel. Il s’est comporté de façon punissable, mais ne mérite pas une peine, ont tranché les juges.

6 500 plaintes

Quelque 6 500 personnes avaient, à l’époque, déposé une plainte pour incitation à la haine, discrimination et insulte. Lors d’un procès en première instance, un tribunal décrit par Geert Wilders comme « fantoche » et constitué, selon lui, de juges décrits comme « des fous haineux » allait, lui aussi, juger l’homme politique coupable, mais ne lui infligeait pas de peine. Celle-ci pouvait aller, en principe, jusqu’à deux années de prison et 20 000 euros d’amende – ou une peine d’intérêt général.

Lire l’enquête : Geert Wilders, itinéraire d’un populiste

En 2011, dans une autre affaire, c’est un tribunal d’Amsterdam qui avait estimé que des propos « blessants et choquants » tenus par l’intéressé ne devaient pas être sanctionnés, car ils émanaient d’un homme politique impliqué dans le débat « intensif » sur la société multiculturelle.

Depuis, le chef du PVV a répété que « des millions de Néerlandais veulent moins de Marocains » et proposé de fermer toutes les mosquées des Pays-Bas, ainsi que d’interdire le Coran. Récemment, sur Twitter, il exigeait le « nettoyage » des rues du pays, dominées, selon lui, par « des rats criminels » qu’il faudrait priver de leur nationalité avant de les « expulser vers le Maroc, tous ».

A la fin des vingt-cinq audiences devant la cour d’appel – qui siégeait pour l’occasion au tribunal hautement sécurisé de Schiphol, près d’Amsterdam – le député s’est toutefois défendu d’avoir insulté quiconque. « J’ai voulu évoquer un problème de société », a-t-il affirmé. Une façon, sans doute, de ne pas provoquer des magistrats qui se sont montrés très prudents tout au long du procès, soucieux d’éviter les accusations de partialité grâce auxquelles la défense du dirigeant populiste avait obtenu une première révocation d’un tribunal constitué en 2018. Une chambre de recours avait estimé que les magistrats avaient écarté trop rapidement diverses demandes des avocats du prévenu.

« D’une importance cruciale »

Cette fois, les juges voulaient donc éviter tout incident et ils se sont montrés parfaitement impassibles. D’autant plus qu’une chaîne privée a diffusé, lors du procès, des documents semblant indiquer qu’une série de responsables gouvernementaux, dont un ancien ministre de la justice, auraient tenté d’influencer le parquet pour qu’il fasse montre d’une grande sévérité à l’égard du dirigeant du PVV. De quoi conforter celui-ci, qui affirme que les procès qui lui sont intentés visent à l’éliminer du champ politique.

Ce thème a fini par éluder la question de fond que devait, selon divers juristes, aborder ce procès. A savoir les limites qu’il convient, ou non, de fixer à la liberté d’expression d’un élu dès l’instant où il risque de troubler l’ordre public.

Le procès, qui s’est achevé vendredi, apparaissait en fait comme une dernière tentative de juger un responsable politique mis en cause pour racisme ou discrimination. « C’est d’une importance cruciale, cela garantit le droit à l’existence d’êtres humains », avait d’ailleurs indiqué le procureur, qui réclamait une amende symbolique de 5 000 euros. La cour a estimé que celle-ci aurait été dénuée de fondement.

MGoran Sluiter, l’un des avocats des plaignants, avait jugé « particulièrement inquiétant et incompréhensible » un éventuel acquittement du dirigeant populiste. L’arrêt ne l’aura qu’en partie rassuré.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Aux Pays-Bas, les relations troubles du leader de la droite radicale avec la Russie



September 04, 2020 at 06:47AM
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